Etat-Civil :
Formations :
Zao Family en 2006, Neffesh-Music de 2007 à 2008, dédicataire de "Gordonka-Zonata" (Sonate pour violoncelle)
Enregistrements:
Neffesh-Music : "Ezz-Thetics Travel"
Sites Web:
www.myspace.com/mariegremillard
EDUCATION MUSICALE :
Toute petite, j’ai été inscrite au conservatoire de Besançon. J’avais assisté à des présentations d’instruments. Au départ, je voulais plutôt faire des «trucs de filles» comme la flûte ou la harpe. Peut-être n’y avait-il pas de place ailleurs, toujours est-il que j’ai fini par choisir le violoncelle. On ne peut donc pas dire que j’ai eu une «illumination» consciente pour cet instrument, mais je ne changerais mon choix pour rien au monde. Mes parents écoutaient déjà beaucoup de musique, aussi bien du classique que des musiciens comme Joan Baez ou cat Stevens. Ma mère s’est même mise à la musique en même temps que mon frère et moi. Ça a duré jusqu’à la période du collège, période au cours de laquelle j’ai, comme beaucoup d’autres jeunes du même âge, fait ma crise d’adolescence et ai laissé tomber la pratique musicale. Et puis un jour, en atelier de musique, j’ai eu affaire à un enseignant qui m’a donné des morceaux amusants à jouer. Je travaillais dans le plaisir et plus dans le stress et j’ai retrouvé l’envie. Il y avait beaucoup de gens sympathiques, une très bonne ambiance. J’ai intégré un orchestre de jeunes. Du coup, je suis retourné au Conservatoire pour le solfège. Après une seconde générale, j’ai suis allée dans une section F11. J’étais une bonne élève, et les profs scientifiques me voulaient dans une section scientifique, les littéraires dans une section… littéraire, mais moi, je voulais faire de la musique. Après ce bac musique que j’ai eu avec mention bien, c’était parti ! Je travaillais dans les orchestres à Besançon et dans la région En réfléchissant je me suis dit que si je continuais dans ce lieu ma vie serait déjà tracée à dix-neuf ans et pire, que je ne progresserais pas. Besançon m’est alors apparue comme une bien petite ville et je suis partie au Conservatoire de St Maur des Fossés. J’y ai obtenu toutes mes «médailles d’or» (violoncelle, lecture à vue- déchiffrage, formation musicale, musique de chambre) sous la houlette éclairée de M.xxxx. J’ai souhaité encore me perfectionner et j’ai suivi les cours de M. Demarquette, soliste international, puis j’ai travaillé sous la tutelle du Quatuor Ysaye au conservatoire supérieur de Paris, avec mon quatuor. J’ai encore remis une bonne couche d’études avec Erwan Fauré à la Schola Cantorum, ou j’ai obtenu mon prix de virtuosité, alors qu’en parallèle je faisais partie de l’orchestre Ostinato.
Je suis encore des cours de temps en temps pour préparer des concours. C’est toujours appréciable d’avoir un regard extérieur. Quand on travaille seul, on a du mal à prendre du recul. Un tiers peut donner des orientations à partir de ce qu’il a entendu.
GOUTS MUSICAUX :
S’il fallait résumer, je dirais que j’aime ce qui est touchant, humain et accessible. Mes musiciens préférés sont les romantiques comme Schumann, Brahms et pour aller jusqu’à nos jours Stravinski, Bartok, les «trois viennois», à la charnière du post-romantisme et du sérialisme, puis Messiaen, Jolivet et Penderecki. Boulez et ses disciples me touchent moins. Je trouve ça compliqué et parfois dépourvu de chaleur humaine. Quant à la musique baroque, je suis assez mitigée, cela dépend beaucoup de la façon dont elle est interprétée.
Dans un autre registre, les « classiques » de la chanson française (Brel, Ferré,…) figurent parmi mes favoris. Toutefois, j’écoute également beaucoup de chanteurs actuels.
Côté jazz, j’écoute…TSF. Mes musiciens de «chevet» sont Chet Baker, Charlie Parker, Louis Sclavis, le Trio Romano-Texier, Renaud Garcia-Fons ainsi que des chanteuses comme Bessie Smith ou Ella Fitzgerald. J’aime beaucoup le chant féminin, quand il est rugueux et pas aseptisé.
Enfin, en ce qui concerne le rock, ce serait plutôt du folk-pop. Ça reste assez mignon : pas de doom-métal écouté à fond avec des crucifix inversés dans ma chambre (rires…).
VIOLONCELLE :
Il y a plusieurs catégories d’enseignants pour cet instrument. Certains disent précisément comment jouer, ne tiennent pas compte des différences de morphologie et de caractère,bref ne donnent aucune latitude. D’autres laissent une grande liberté tout en fournissant de bonnes bases. À partir de celles-ci, on peut alors développer ses propres techniques pour pouvoir dire à sa façon ce qu’on a à dire. Par bonheur, j’ai été confrontée à cette deuxième catégorie de professeurs. Ma démarche a donc consisté à acquérir ces bases solides et à partir de celles-ci effectuer ma propre recherche personnelle, recherche qui se passe parfois dans la douleur. Je marche en effet beaucoup à l’émotivité. Fort heureusement, je sais m’arrêter quand je n’arrive pas à faire quelque chose. Je sais que si j’insiste, je ne vais rien faire de bon. Et parfois, quand je me dis que finalement pas y arriver n’est pas si grave que ça, le blocage disparaît.
Toutefois, je progresse essentiellement quand je travaille avec d’autres instrumentistes, que je joue de la musique classique ou non. On peut toujours «piquer» dans la façon de travailler des autres ou au moins y trouver quelque chose de différent. Le travail avec les autres est un excellent terrain pour apprendre.
QUATUOR BELLI CELLI
J’ai eu l’idée du quatuor à la Schola Cantorum où Erwan Fauré dirigeait un ensemble de violoncelles avec lequel nous avons fait plusieurs concerts. Quand je suis sortie de la Schola Cantorum, je suis entrée dans un quatuor à cordes pour lequel j’ai trouvé des engagements en Bretagne. Il s’agit du quatuor avec lequel nous devions enregistrer « Zao Family ». Malheureusement, pour des motifs que je qualifierai pudiquement de … techniques, le quatuor a explosé en vol et je me suis retrouvée avec les concerts bretons sur les bras. Je suis allé voir des amis, Belli Celli est né et a assuré les dates que j’avais négociées. Nous avons tout de même réussi à enregistrer « Zao Family » avec trois membres du quatuor à cordes prévu et une autre violoniste.
Pour les premiers concerts, le répertoire était prêt. Après, chaque membre a cherché ce qu’il aimerait jouer avec le quatuor, même si je propose et arrange la majorité des morceaux. Nous avons faitentre autres une danse juive, la danse du sabre de Khatchaturian et même enregistré une maquette.
Dans le quatuor Belli Celli, il y a une hiérarchie « tournante ». Nous ne fonctionnons pas comme dans un quatuor à cordes, dans lequel la hiérarchie est assez conventionelle. Dès que la musique interprétée le permet, je fais en sorte que le partage du travail soit équitable et que les rôles de chacun s’ « entrelacent », même parfois au sein d’un même morceau. Ainsi tous les membres du quatuor sont tour à tour « premier violoncelle », suivant les morceaux, suivant les personnalités. Chacun peut donc avoir des terrains d’expression variés.
Pour le moment l’aventure s’est arrêtée avec l’annulation du concert de l’Elysée-Montmartre, prévu le 19 janvier 2009. C’est dommage car j’avais mis beaucoup d’énergie dans le disque «Ezz-thetics Travel» avec Yochk’o. Mais j’espère qu’il y aura une suite. Ce quatuor, je l’ai formé, je le porte et je cherche toujours des concerts. Nous avons enregistré une maquette et il faut que je recommence à démarcher pour trouver des salles qui nous accueillent.
YOCHK’O
J’ai rencontré Yochk’o pour la première fois à l’occasion de l’enregistrement de «Zao Family». Il cherchait un quatuor à cordes. Une de ses connaissances du Conservatoire nous a proposés. Et j’ai tout découvert en même temps : le bonhomme et sa musique. Je peux garantir que les deux ont constitué un choc ! Et pas des plus anodins ! Pour commencer, nous nous sommes arrachés les cheveux avec sa musique qui est très difficile pour un quatuor à cordes. Quant à l’homme, dès le premier abord, il en impose et si tu ne t’impose pas, tu peux rapidement te faire «croquer». Le verbe a parfois été très haut. La musique de Faton est beaucoup plus «cool», plus abordable. Yochk’o dit parfois en plaisantant que c’est de la «musique d’ascenseur»… Yochk’o, lui, est complètement incroyable. Il est une véritable «fontaine à idées», que cela soit en peinture, en sculpture, en musique. Ses connaissances sont immenses.
Le choc culturel a été violent. Il faut néanmoins tordre le cou au cliché de la formation classique sage et gentillette. L’enregistrement a été, disons… festif, et les membres du quatuor n’étaient pas forcément les plus calmes.
Les concerts au Triton avec Zao en 2006 ont également constitué un grand moment. Et pourtant, nous en avons bavé… Eux «envoyaient la patate», et nous nous étions là avec nos petits micros à essayer de jouer des choses impossibles, ensemble et avec les autres ! Heureusement, Gérard Prévost nous mettait d’accord depuis sa contrebasse.
Pour moi, il y a eu un avant et un après la rencontre avec Yochk’o. J’avais déjà rencontré des personnalités comme lui, en petit nombre, mais je n’en avais jamais «pratiqué» musicalement. Il m’a vraiment fait progresser. Il m’a ouvert des portes même au niveau de la vision que je pouvais avoir de la musique classique et des sensations rythmiques que je pouvais ressentir. J’avais l’habitude de travailler avec des partitions, alors qu’avec Yochk’o c’est «100% intérieur».Il m’a également permis de faire des rencontres enrichissantes. Après l’enregistrement de «Zao Family» je suis resté en contact avec lui. Il m’a écrit une sonate pour violoncelle que j’ai commencé à enregistrer en 2007. Instrumentalement elle est «impressionnante». Pour lui, l’instrument ne doit pas être une entrave à la musique, ce que je peux comprendre. Mais quand on prend l’archet, c’est autre chose. Ça part dans tous les sens et l’interprète devient FOU ! Dans sa musique on retrouve son immense personnalité et tout l’apport hongrois (Bartok, Ligeti, …), l’école de Vienne, Messiaen, le folklore… Il est très intéressant d’essayer d’apporter quelque chose de soi dans l’interprétation d’une musique qui a déjà autant de caractère.
Dans Neffesh-Music, les parties du quatuor sont homorythmiques. Lui réussit à être flottant par-dessus le quatuor tout en restant dans le « groove ». Fort heureusement, François causse est là pour tenir l’édifice alors que Yochk’o s’évertue à ne jamais mettre ses notes sur un temps. Quant à Yochk’o-pianiste, il est fracassant … les mots me manquent. Il fait des choses incroyables. On devrait l’appeler « le roi de l’impossible » ou lui donner comme devise « impossible n’est pas Yochk’o ». Nous nous calons donc complètement sur François. Il est très fin dans son jeu et cherche le confort de chacun mais quand il faut envoyer… il envoie !
Avec Yochk’o, nous avons vécu la rencontre de deux mondes et deux générations différents.
À l’époque du Quatuor Margand et du premier Neffesh-Music, époque à laquelle Yochk’o fait fréquemment allusion pour nous traiter de «fonctionnaires de la musique», quand ce n’est pas d’autre chose, il y avait beaucoup de travail et de concerts. Le quatuor pouvait progresser à force de faire «tourner» les morceaux. Nous, nous avons mis beaucoup d’énergie dans Neffesh-Music, mais au final il y a eu un disque et un concert à ce jour (15/3/2009). C’est regrettable à dire, mais nous avons quelques problèmes financiers pour faire vivre le quatuor. Yochk’o le comprend en apparence, mais ne l’admet pas. Nous avons donc des conversations assez hautes en couleurs. Nous devons l’accepter tel qu’il est puisqu’il est évident qu’il ne changera pas d’avis. Néanmoins, il arrive encore à mes faire sortir de mes gonds. Mais il n’y a jamais de rancœur ni de rancune.
Un jour il m’a invité à jouer « Round About Midnight » avec lui, Salle Selmer, en mai 2006. Il m’avait écrit une belle partie de violoncelle, bien orientée dans le style et le rythme du morceau.
Pour conclure sur Yochk’o, il est difficile de travailler avec lui-même s’il est adorable. C’est enrichissant mais il faut le supporter. Pour le satisfaire il faut se lever de bonne heure. Quand il est content il le dit, mais comme il est rarement content… Il pousse tout le temps pour aller plus loin. Des fois, c’est trop…
ENSEIGNEMENT :
L’enseignement me permet de me poser des questions sur l’instrument et la façon de faire passer le plaisir. L’apprentissage du violoncelle est très ingrat au début. Il faut donc trouver des moyens de faire découvrir la musique et l’instrument de manière à ce que l’élève puisse avoir un peu de satisfaction personnelle. Il s’agit d’une recherche constante qui entraine une recherche sur soi-même. L’enseignement est une belle ouverture. Mes élèves ont «de 7 à 77 ans». Avec les adultes on peut expliquer avec des mots. Avec les enfants il faut trouver le «passage» pour les intéresser. Ils posent parfois des questions tordues, mais souvent intéressantes. J’ai un bon contact avec eux et leur enseigner est une source constante de fraîcheur et d’enrichissement. Ils me permettent de revenir constamment à l’essentiel.
PROJETS :
Je fais partie de plusieurs groupes. Je joue avec un groupe de chanson française qui s’appelle « Moi », une chanteuse québécoise, un groupe de pop rock anglaise, les « Stevies » qu’il faut absolument découvrir. Beaucoup de projets sont en cours de fabrication, dont un ciné-concert avec le compositeur et pianiste Vadim Sher. J’ai un poste de violoncelle titulaire à l’orchestre Pasdeloup et je travaille avec plusieurs orchestres parisiens.
Marie Grémillard, 4 mars 2009, propos recueillis par Jean-Jacques Leca.